Avec un grincement sinistre la porte du bar à Tapash s’ouvrit lentement, comme si elle refusait de laisser quiconque revenir dans ces lieux abandonnés de tous. La félys elle-même n’avait pas pour habitude de retourner en arrière après avoir quitté un endroit. Mais aujourd’hui elle sentait que cette règle ne s’appliquait pas. Elle avait quelque chose à faire. Tout son corps lui criait qu’elle avait une dernière chose à accomplir ici. Ici, dans ces lieux chargés de souvenirs. De bons moments comme de bonnes bagarres.
L’endroit ayant été déserté depuis bien longtemps, seuls quelques insectes tapis dans la poussière constitueraient son auditoire. Mais cela n’avait aucune importance. Suyana avait juste une grosse boule en elle à laisser jaillir dans les airs. Et ce qui avait été surnommé un jour la Ishtar Academie était le lieu le plus indiqué pour pousser le cri qui bouillonnait en elle.
Inutile de se chauffer la voix comme elle le faisait autrefois. La félys se débarrassa simplement de sa cape et jeta son sac de voyage dans un coin. Puis inspirant profondément, elle chanta…
La chaleur s’installe doucement mon cœur.
La paix est reine à son tour.
Un royaume de solitude
Ma place est là, pour toujours.
La femme qui hurle en moi ne pense plus à demain
Il est bien trop fort
J’ai lutté en vain.
Cache ta souffrance, n’en parle pas.
Fais ce qu’il dit, et tu survivras.
Pas d’états d’âme, pas de tourments,
De sentiments…
Libérée, délivrée
Je ne me cacherai plus jamais.
Libérée, délivrée
C’est décidé, je renais.
J’ai laissé ma souffrance s’en aller.
Perdue dans mes rêves…
Sa mort serait pour moi
Le prix de la liberté…
Quand on prend de la hauteur,
Tout est si terrifiant.
La tristesse, l’angoisse et la peur
M’ont envahie depuis longtemps.
Je veux voir ce que je peux faire
De mon futur plein de mystères.
C’est oui ou non, je dis tant pis.
Tant pis.
Libérée, délivrée
La vie me tend les bras.
Libérée, délivrée
Oui je pleure, c’est ça.
Me voilà !
Oui je suis là !
Perdue dans mes rêves…
Mon espoir vient du ciel et envahit mon âme.
Mon cœur s’exprime en écrivant et dessinant sans cesse.
Et mes pensées grondent en un orage déchainé.
Je ne regrette rien.
La souffrance est passée.
Libérée, délivrée
Désormais plus rien ne m’arrête.
Libérée, délivrée
Adieu poupée muette.
Je suis là !
Comme j’l’ai désiré !
Perdue dans mes rêves…
Sa mort serait pour moi le prix de la liberté.
La féline s’assit sur une chaise qui s’effondra aussitôt. Dans la poussière elle sourit. Cela faisait du bien de se lâcher un peu comme ça. Si Farfal avait pu passer dans le coin pour qu’elle se moque du cheval, ça aurait été juste parfait.